16 février 2006

Marguerite DURAS

Dix heures et demie du soir en été
(Éditions Gallimard – 1960 puis FOLIO - 1985)

Voici un roman aussi court que bien écrit dans lequel on voit vraiment, s'il en fallait plus que la seule lecture de L'amant, le talent de romancière de Duras. Un roman court et captivant. Où la force des évocations le dispute à l'intrigue.

Ici, l'Espagne. Un couple, leur fille, une amie. A peine plus d'une nuit. Duras produit des images fabuleuses, d'orage, de champs de blé, de pluie. Elle décrit une ambiance de chaleur, sur une ville de tourisme, une ambiance de meurtre et de tueur fuyard. En filigranne aussi, une histoire d'amour.



Duras fait vivre à Maria, le personnage principal, une aventure presque identique à celle du criminel, Paestra, qui est poursuivi pour avoir surpris et tué sa femme adultérine. Maria, elle, laisse son mari consommer un amour adultérin avec Claire.

Quelle est la légitimité de l’amour que se vouent Claire et Pierre ? Où est la faute du tueur, Rodrigo Paestra ? Pourquoi Maria cherche-t-elle et lui vient-elle en aide ?

Proposition de résumé :
En Espagne, un soir d’orage, des français font halte dans une ville où vient d’avoir lieu un double meurtre. Les personnages sont Maria, Pierre (son mari), Judith (leur fille), Claire (une amie), l’assassin (Rodrigo Paestra). L’orage, la pluie, la chaleur, et les champs de blé sont omniprésents. Page 23 : « Une autre ondée se prépare. L’horizon est fauve. Il paraît très lointain. L’orage a encore grossi. Il vous en vient la désespérance de le voir se terminer cette nuit. » Les policiers cherchent le criminel dans l’hôtel où trouvent refuge les touristes français. L’essentiel de l’action se déroule la nuit. Incertitudes amoureuses, Pierre et Claire se cherchent. Dans la nuit, Maria est persuadée que le criminel est caché près d’elle. Attente de l’aurore. Maria et Rodrigo Paestra se découvrent. Elle l’aide à s’échapper de la ville, dans la nuit, où patrouille encore la police. Elle revient à l’hôtel après avoir laissé Paestra au bord d’une route. Maria est alcoolique (P. 98 : « le réveil des alcooliques doit être solitaire »). Elle parle de son échappée à Pierre et Claire. Elle les soupçonne dans leur manège amoureux. Elle redoute l’issue de cette liaison. Ils partent ensemble en fin de matinée à la recherche de Paestra. Maria a promis de le rejoindre. Page 122 : « Elle le portera en France ce corps-là. Elle l’emmènera loin, l’assassin de l’orage, sa merveille. Ainsi, il l’attendait. » Mais Paestra s’est tué avec son revolver. Pierre et Claire veulent profiter d’un arrêt dans une auberge, pour se donner l’un à l’autre. A Madrid ensuite, Maria a compris la fin de son histoire avec Pierre.

04 février 2006

James Salter : L'homme des hautes solitudes

"[Il] avait été en Europe. Il avait connu des villages où le seul téléphone est celui du bistrot, où les murs des maisons font soixante centimètres d’épaisseur. Il avait passé l’été et l’automne là-bas. Les sommets dont tous les alpinistes connaissent le nom par cœur figuraient maintenant à son palmarès. La Cima Grande, Blaitière, l’éperon Walker. "

L'homme des hautes solitudes (Editions des Deux Terres – mars 2003) fait vivre un personnage solitaire, car la solitude est le thème central du roman. La montagne, l'alpinisme, Chamonix et Paris servent de toile de fond à ce roman de caractère et d'aventure.

Le personnage principal vient de Los Angeles pour éprouver les vertiges de l'alpinisme. Au cours de son séjour en France, il découvre la montagne, il se lie d'amitié et d'amour, il met sa solitude à l'épreuve. Ainsi il ne vit jamais vraiment dans le monde mais toujours pour sa passion de la montagne. Il passe à côté de l'amour, néglige sa paternité, abandonne tout espoir de vie en couple. La solitude semble complètement l'emprisonner, la vie normale n'a pas prise sur lui, il cherche autre chose.

Au fil des pages, l'auteur sait nous envoûter nous aussi, grâce à des descriptions magistrales. Les pages où sont narrées les ascensions sont très réussies. Et l'histoire de cet américain qui, en dehors de sa passion pour la montagne, est irrémédiablement enfermé dans sa solitude, est écrite avec force et justesse. James Salter réussit ici un roman dont le style et la longueur sont le secret d'une vraie richesse littéraire. Cela mérite bien qu'on sorte un peu son auteur de l'oubli dans lequel il est injustement plongé.




"Cette première et grandiose image devait bouleverser la vie de Rand. La montagne l’aimantait, elle s’élevait avec une lenteur infinie comme une vague prête à l’engloutir. Rien ne pouvait lui résister, rien ne pouvait lui survivre."



Proposition de résumé : A Los Angeles, deux ouvriers sur le toit d’une église. Une chute évitée. L’un d’eux est le personnage principal : Rand. La relation avec une femme à qui il raconte son temps de régiment. Une ascension vers Los Angeles en compagnie d’un enfant (Lane). La rencontre avec Cabot. Ils se racontent les courses dans les Alpes. Page 37 : « Cabot avait été en Europe. Il avait connu des villages où le seul téléphone est celui du bistrot, où les murs des maisons font soixante centimètres d’épaisseur. Il avait passé l’été et l’automne là- bas. Les sommets dont tous les alpinistes connaissent le nom par cœur figuraient maintenant à son palmarès. La Cima Grande, Blaitière, l’éperon Walker. » Après la rencontre dans la montagne, Rand décide de partir. Premières impressions de Rand dans les Alpes : Page 46 : « Soudain, à Sallanches, la vallée s’élargit. Tout au fond, vision surprenante, le géant de l’Europe, le mont Blanc se dressait à l’improviste, auréolé de lumière. » Puis : « Cette première et grandiose image devait bouleverser la vie de Rand. La montagne l’aimantait, elle s’élevait avec une lenteur infinie comme une vague prête à l’engloutir. Rien ne pouvait lui résister, rien ne pouvait lui survivre. » La vie à Chamonix. Pluie et calme. Le temps se dégage. Rand rencontre Love. Première ascension (la pointe Lachenal). Le compagnon de cordée est incertain, défaillant même. Premiers dangers. Rand propose à Bray, alpiniste antipathique et prétentieux, l’ascension du Frêney. Page 69 : « Le pilier du Frêney est un éperon gigantesque, apparemment inaccessible, qui flanque le versant italien du mont Blanc. Son histoire est ponctuée de tragédies célèbres. » Bray est souffrant. Rand part seul. Le mauvais temps prend la vallée. Périls, recherches, puis Rand est de retour. L’automne puis l’hiver à Chamonix. Quelques connaissances parlent à Rand. Travail au noir, premier contact avec la solitude. Page 85 : « Il n’avait pas fait entrer en ligne de compte la solitude ni ce froid terrible et il avait le sentiment d’avoir commis une effroyable erreur. » Puis esquisse d’une rencontre féminine, mais Rand surtout éprouve la solitude. Cabot arrive avec sa femme. Retrouvailles. Il propose le Dru. Page 94 : « Le Dru, c’est une sorte d’obélisque colossal qui fut d’abord attaqué par les itinéraires les plus faciles. La face nord ne fût maîtrisée qu’en 1935 après des années de tentatives infructueuses. La face ouest, la plus difficile, ne céda qu’après la guerre, en 1952. ». Rand et Cabot étudient préparent l’ascension. Les mauvaises conditions météo les forcent à attendre le départ. Attente, frustration. Ils débutent enfin la montée. Page 108, tout incident est amplifié en montagne. Cabot dévisse, il est blessé. Après une nuit difficile, l’ascension se poursuit, Cabot est toujours blessé, vient l’orage. Ils parviennent au sommet et redescendent. Début de la célébrité pour Rand, puis rencontre avec Catherine, idylle. Rand séjourne à Paris. Cabot et son équipe tentent l’Eiger. Bray se tue dans la tentative. Catherine annonce à Rand qu’il va être père, c’est ensuite la fin de leur relation. (Rand s’isole sciemment dans la solitude). Rand réalise le sauvetage de deux italiens dans les Drus. Ce sauvetage lui donne la célébrité. A Paris, Rand connaît un triomphe. Page 220 : « Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul. Edmond Rostand. » Rand vit deux amours parisiennes (sans conviction). Après l’échec de ces relations, il vit misérablement à Paris, puis rejoint Chamonix. Il entame l’éperon Walker, mais renonce. Sa volonté d’évasion est partie. Il revoit Catherine pour dire adieu à son fils. En Californie, Rand retrouve Cabot paralysé. Ils discutent longuement, jouent à la roulette russe. Rand joue avec la mort, il intime ensuite à Cabot de marcher, la volonté pouvant l’amener à cela. Rand fuit ensuite, et se retrouve seul.