24 juin 2006

Le dernier Jim Harrison est une merveille !


L'été où il faillit mourir (Éditions Christian Bourgois - Mars 2006) est un recueil de trois nouvelles. L'écriture de Jim Harrison s'est vraiment bonifiée au fil du temps, et ces trois histoires sont remarquablement écrites, toutes de sensibilité. Les descriptions de l'Amérique, des paysages et des saisons sont époustouflantes, le rythme de la narration ne laisse jamais place à l'ennui. Le troisième récit, au titre de Traces, particulièrement beau, est une autobiographie très pudique, écrite à la troisième personne du singulier, ce qui lui donne du relief et accentue la poésie du propos. Ce livre est remarquable.

Page 264 : "D'agréables petits jeux étaient possibles dans le Massachusetts, qui étaient hors de question dans le Middle West. Par exemple, si son itinéraire l'amenait à proximité de Concord, il pouvait penser à Emerson et à Thoreau ; plus au nord le long de la côte, c'était Hawthorne ; mais au sud et de manière plus sympathique, c'était la ville de New Bedford dont le front de mer éveillait chez lui des souvenirs plus précis de Melville. Absurdement, une gargote grecque de Plymouth le fit réfléchir à Kazantzakis, et lorsqu'il se promenait sur une plage proche de Hingham, en pensant par intermittence à son vieil et triste ami Kierkegaard, une fille en maillot de bain vert fit soudain bifurquer ses cogitations vers Henry Miller."

Page 264 : "Le travail et le sens de l'économie constituaient le soubassement de sa réalité apprise. Et si jamais il devait devenir écrivain, il se doutait vaguement que pareille éthique constituait aussi le fondement de cette profession. Il y avait certes un peu d'inspiration, disait Faulkner, mais surtout beaucoup de labeur."

Jim Harrison est né à Grayling, Michigan, et a fait ses études à l'Université du Michigan. Il décide de devenir écrivain à l'âge de douze ans, lorsqu'il comprend que cette profession propose une façon de vivre plutôt séduisante. Dans ses premiers écrits, il s'inspire largement de la vie de son père fermier, de l'origine scandinave de sa mère et de sa propre éducation en milieu rural. Il enseigne quelques temps à Stony Brook, Université de New York, dans le but de faire vivre sa femme et ses deux enfants, mais l'enseignement ne le satisfaisant pas, il retourne dans sa ferme du Michigan. Il connaît son premier succès littéraire avec sa poésie. Mais il est également célèbre pour ses romans. Jim Harrison a été lauréat du National Endowment for the Arts 1968-1969 ainsi que de la fondation Guggenheim (1969-1970).

23 juin 2006

Pas d'autre ambition que celle de partager...


Avec ce blog sur mes lectures, je ne nourris pas d'autre ambition que celle de partager avec les internautes les plaisirs de la lecture.
On trouve ici le fruit d'une passion, celle des livres et des mots. Le résultat n'est pas toujours à la hauteur des espérances, la critique n'est peut-être pas toujours aussi pointue qu'elle devrait l'être. Il y a pourtant une vérité : tous les livres rapportés ici sont des excellents souvenirs de ces moments de lecture qu'on n'aime d'habitude pas dévoiler. C'est tellement personnel de se créer un environnement autour d'un bon roman, autour d'une histoire qui vous prend aux tripes, c'est si intime qu'on ne pense pas d'abord pouvoir le raconter, encore moins en faire un blog...
Mais quand on se trouve en présence d'un bouquin qui captive, et duquel on ne veut pas se séparer, et grâce auquel on n'aspire qu'à retrouver un moment, calme, à l'écart des autres, où l'on pourra prolonger cette intimité avec le livre, il ne faut pas se priver de cette envie de partager...
Pas d'autre ambition donc que celle de faire découvrir ce que j'ai aimé. Avec comme credo de n'en dire pas trop, de ne pas reproduire pas non plus les 4ème de couv qui sont parfois trop vendeuses, bref, en commentant d'une manière personnelle mais pas sectaire, pas unilatérale et suffisamment travaillée pour donner l'envie de pénétrer ces univers particuliers que créent immaquablement les lectures les plus heureuses.

20 juin 2006

Howard BUTEN : Monsieur BUTTERFLY

Il faut d’abord dire la tendresse qui se dégage de ce roman.
Ensuite, une sensibilité à fleur de peau.
Enfin, l’immense amour pour les enfants.
Howard Buten réussit ici un roman formidablement émouvant, où l’humour le dispute à l’émotion vraie. En racontant l’histoire de ce monsieur un peu (complètement ?) fou qui décide d’accueillir chez lui (dans le cadre d’une politique publique) des enfants handicapés mentaux, Howard Buten écrit avec Monsieur Butterfly un roman de grande valeur. Il nous invite à la suite de ces enfants pas comme les autres, que l’amour d’un adulte ne changera guère, et qui, de bêtise en fuite, se rendent terriblement attachants.
La dimension dans laquelle on vit habituellement, celle du raisonnable, y compris dans l’amour qu’on porte pour sa descendance, explose au profit d’une relation exclusive et belle, qui fait des enfants handicapés

les plus beaux personnages du roman contemporain.

14 juin 2006

La terre et le ciel de Jacques Dorme (Andreï MAKINE)

Andreï Makine prouve, s'il en était besoin, qu'il est un grand écrivain.

La terre et le ciel de Jacques Dorme raconte la quête du père, à travers la Russie et à travers la seconde guerre mondiale. L'époque contemporaine alterne avec les épisodes historiques. Le style d'écriture est remarquable, le vocabulaire est celui d'un étranger cultivé écrivant le français avec talent. L'histoire fait de Jacques Dorme un héros qu'on apprend à connaître et dont la vie est résumée par l'auteur : "Un aviateur venu d'un pays lointain rencontre une femme du même pays et, pendant très peu de jours, dans une ville dont il ne restera bientôt que des ruines, ils s'aiment ; puis il part au bout de la terre pour conduire les avions destinés au front, et meurt, en s'écrasant sur un versant de glace, sous le ciel blême du cercle polaire." (Page 29)
Enfin, c'est bien l'amour qui sert de trame au roman, un amour de guerre et d'exil, un amour aussi brièvement consommé qu'intense. Page 157 : "Je n'avais pas alors (je ne sais pas si je l'ai aujourd'hui) une meilleure définition de l'amour que cette sorte de prière silencieuse qui relie deux êtres, séparés par l'espace ou la mort, dans une intuition permanente des douleurs et des instants de joie vécus par l'autre."
La beauté du texte est telle que cette histoire plusieurs fois racontée se lit merveilleusement bien.

Andreï Makine naît le 10 septembre 1957 à Krasnoïarsk en Sibérie. Après des études de littérature, il obtient un doctorat es lettres de l'université Kalinine de Moscou. Il enseigne ensuite la philosophie à l'institut de Novgorod et collabore à la revue russe Littérature moderne à l'étranger. Au cours d'un voyage en France en 1987, il obtient l'asile politique et se consacre à l'écriture tout en donnant quelques cours de littérature russe à l'École normale supérieure et à Sciences Po. Après le refus de ses premiers manuscrits par les éditeurs, le premier qu'il réussit à faire éditer est La fille d'un héros de l'Union soviétique en 1990 en faisant croire que celui-ci est une traduction du russe. Il obtient en 1995 le prix Goncourt, le prix Goncourt des lycéens et le prix Médicis ex æquo pour son livre Le Testament français. Œuvres : La fille d'un héros de l'Union soviétique (1990), Confession d'un porte-drapeau déchu (1992), Au temps du fleuve Amour (1994), Le Testament français (1995),Le crime d'Olga Arbélina, (1998) Requiem pour l'Est (2000), La musique d'une vie (2001), La terre et le ciel de Jacques Dorme (2003), La femme qui attendait, (2004), Cette France qu'on oublie d'aimer (2006).