08 décembre 2005

Maison des autres - Silvio D'Arzo


(Rivage poche - Traduit par Bernard Simeone).

"Soudain, du sentier des pâturages, mais encore très loin, arriva l'aboiement d'un chien. Tous nous levâmes la tête. Puis de deux ou trois chiens. Puis le bruit des clarines de bronze. Penchés autour de la paillasse, il y avait moi, deux ou trois femmes de la maison, plus loin quelques vieilles du village."

Grand admirateur de James et de Conrad, D'Arzo sait bien que les moments essentiels sont ceux où "il ne se passe rien". Mais ce rien engendre ici une prose tendue et scandée où chaque mot semble arraché à la plus secrète réticence.
La douloureuse question que la vieille femme de Maison des autres, après maints détours et lapsus, pose au prêtre d'un village perdu de l'Apennin émilien ne peut avoir de réponse. Dans un univers minéral et désolé que rythme le retour obsédant des saisons et des gestes, à peine troublé par le drame indicible qui fait le livre, elle renvoie chaque lecture au profond de lui-même.

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L’auteur (source : Editions Verdier / www.editions-verdier.fr)
De son vrai nom Ezio Comparoni, Silvio D’Arzo est sans conteste un des auteurs italiens les plus mystérieux de ce siècle. Fils unique et illégitime d’une cartomancienne de Reggio Emilia, il est né dans cette ville en 1920 et y est mort d’une leucémie en 1952 en laissant de nombreux inédits, dont Maison des autres (Casa d’altri), son chef-d’œuvre et, de l’avis de critiques aussi divers que Montale, Bassani ou Attilio Bertolucci, un des récits les plus parfaits de toute la littérature italienne. De son vivant, ne paraîtront guère que le juvénile roman À l’enseigne du Bon Coursier (All’insegna del Buon Corsiero), vraisemblablement écrit à l’âge de 18 ans, et, dans des revues, de très courts récits ou textes critiques. Lecteur passionné des auteurs classiques ou contemporains anglo-saxons et américains, critique aigu et non conformiste des œuvres de Stevenson, James ou Conrad, il a publié de nombreux articles sur cette littérature dont la traduction apparaissait alors à de nombreux auteurs italiens, tels Vittorini et Pavese, comme un moyen de déjouer la censure fasciste. Ses autres récits, comme Penny Wirton et sa mère (Penny Wirton e sua madre), ou encore Le Pingouin sans frac (Il pinguino senza frac), un texte pour enfants, témoignent de l’importance que la littérature anglaise du XVIIIe siècle a pu avoir pour cet auteur solitaire mais passionnément attaché au moment particulier que traversait alors l’Italie des lettres en se libérant de ses rêveries « arcadiennes ». La mort le surprendra alors qu’il entamait la rédaction de Notre lundi, d’un inconnu du XXe siècle (Nostro lunedì, di Ignoto del XX secolo), texte composite fidèle à divers procédés narratifs entrecroisés, dont il ne reste que des ébauches et de courts récits qu’on peut lire aujourd’hui de manière indépendante : D’Arzo considérait ce projet comme celui d’une véritable Énéïde de notre temps. Il faut souligner la grande originalité formelle de l’ensemble de son œuvre : elle dérive de la prosa d’arte (la prose d’art), infléchie dans un sens fantastique parfois proche du réalisme magique, mais ne renie pas l’influence du théâtre de Goldoni, et se leste d’une densité métaphysique stupéfiante compte tenu de l’âge de l’auteur.

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